Depuis mardi dernier, Elh Mody Sy dort tranquillement au cimetière de Joal, non loin du rond point Samba Dia, la face tournée vers l’océan, tout près.
Comme le poète-président Léopold Sédar Senghor, il aimait Joal d’un amour inconditionnel, intense, profond et passionnant.
Il aimait souvent me raconter son enfance au pays Sérère, lui le natif de Sinthiane Sinthiou Garba, son village maternel dans le département de Kanel, région de Matam.
C’est à l’âge de 13 ans qu’il rejoint Joal et son papa, Alaji Abou Sy. D’ailleurs, c’est dans le caveau familial entre le pater et sa tante qu’il repose désormais en paix.
Il n’avait que… 79 ans, diront certains, tellement, l’homme a eu une vie pleine, remplie de joie, de bonheur et de péripéties, aussi.
En 1993, lorsque le juge constitutionnel Me Babacar Seye est assassiné, il est arrêté en même temps que d’autres « suspects ».
Sauf que lui sera particulièrement éprouvé par la torture, les brimades et la violence morale au point qu’il en gardera des séquelles physiques mais surtout psychologiques jusqu’à son dernier voyage à Joal, à l’ombre des arbres tant chantés par le poète académicien.
Seul soulagement de sa part : la conscience tranquille d’une victime innocente et blanchie par la justice. Il aura quand même fait 15 mois de détention.
L’histoire de cet épisode, regrettable, douloureux, malheureux et évitable dans un vrai État de droit, est relatée par l’intéressé, lui-même, dans un documentaire : « L’assassinat de Me Babacar Seye, La part de vérité de Mody Sy : Le prix de la conviction », disponible sur YouTube.
Réalisé en avril 2013 sur notre insistant conseil, il fut pour lui comme une catharsis. Il y est passé dans toutes les émotions : la colère, la révolte, la peine, les pleurs, la sagesse et la philosophie avant la fatalité du croyant.
Mody Sy était un militant de la première heure du Parti démocratique Sénégalais de Me Abdoulaye Wade et c’est lui qui implanta la formation libérale en France et plus tard dans d’autres pays de l’Europe de l’Ouest. L’héritage subsite toujours et survit au pionnier car les fondations étaient solides, bâties par un homme doté d’une énergie physique et morale, hors du commun : il n’avait peur de rien ou presque et n’hésitait pas à user de ses biceps pour se faire entendre, en cas de besoin.
Ça, c’était son ADN matamois, à la fois rebelle et guerrier dans l’âme.
Très respecté par le Pape du Sopi ainsi que ses principaux lieutenants, le fils adoptif de Joal jouissait aussi d’une aura certaine auprès de la diaspora sénégalaise et africaine, basée en France.
D’ailleurs, il était l’un des leaders du mouvement des travailleurs africains de France, où son engagement et son combat ont porté bien des fruits.
En 1988, avec d’autres guerriers du Pds, il mena la vie dure au régime du Président Abdou Diouf.
Recherché activement et traqué à la suite des violences post électorales de la même année, il réussit à sortir du Sénégal par la Mauritanie, grâce à la complicité de certains diplomates, amis des Libéraux du Pds.
C’est cet affront qui « justifiera »l’acharnement cruel, inhumain et dégradant dont il sera victime de la part des hommes du Colonel Diédhiou de Thiong en 1993 !!!
Mais, la justice, l’histoire et les organisations nationales et internationales des droits de l’homme l’ont réhabilité depuis…
Mody Sy, c’est aussi l’humilité et l’honnêteté intellectuelle. Il fréquentait les princes et les nantis de par sa position d’ancien président de commission à l’Assemblée nationale, puis chargé de mission au Ministère de l’Intérieur sous son ami Me Ousmane Ngom et plus tard PCA de la Sones de juin 2012 à octobre 2022.
Mais, il n’était jamais plus heureux qu’en serpentant les pistes rurales et en partageant des plats traditionnels avec ses amis d’enfance du Fouta ou ses « esclaves » de Joal, comme Paul Ndong, l’ancien maire de la cité de Senghor.
C’est pourquoi, mardi dernier, Joal, malgré l’enclavement, a refusé du monde lors de ses funérailles. Venus du Fouta, de Dakar et d’autres contrées du Sénégal, ses parents, amis, alliés, compagnons, partisans et admirateurs lui ont rendu un vibrant, émouvant et touchant hommage.
Repose en paix guerrier ✊
Adieu Président 🙏
Yaya Sakho, journaliste
Militant du Pds
Et beau-fils du président Mody Sy