Possibles menaces de censure du livre “L’idée de la Casamance autonome”


Alerte sur l’avenir du débat académique au Sénégal


Une censure pourrait bien finir par s’abattre sur l’ouvrage L’idée de la Casamance autonome – Possibles et dettes
morales de la situation coloniale au Sénégal, de l’historienne française Séverine Awenengo Dalberto. En effet, la
présentation publique de l’ouvrage, prévue aujourd’hui au Sénégal, a été annulée, et cette annulation
s’accompagne d’un climat de spéculations. Ces derniers jours, des réactions diffamatoires et spéculatives ont
émergé au sein de la classe politique sénégalaise, amplifiées par une couverture médiatique qui en a fait l’écho.
Ces échanges interviennent dans un contexte de campagne électorale intense, les élections législatives devant se
tenir dans environ trois semaines.


En lançant cette alerte, je souhaite attirer l’attention sur une tendance inquiétante qui, si elle se confirme, pourrait
transformer durablement la sphère académique sénégalaise, en étouffant la liberté d’expression et le débat
intellectuel. Une censure constituerait une atteinte directe à l’intégrité de l’espace universitaire et à la diversité des
perspectives, indispensables pour saisir pleinement l’histoire et les réalités contemporaines du pays. Protéger ces
libertés est urgent, tout comme sensibiliser l’opinion publique sénégalaise à cette dérive inquiétante, qui risquerait
de plonger le monde académique dans un climat de silence et d’autocensure.


Poser cette menace au centre du débat revient à soulever une question essentielle : peut-on envisager le
développement d’une pensée critique et nuancée si chaque ouvrage abordant des sujets sensibles est
condamné avant même d’avoir été lu
? Le signal d’alarme dépasse ici la seule interdiction potentielle de cet
ouvrage ; il s’agit de défendre la liberté de questionner, de débattre et d’analyser, des valeurs fondamentales pour
toute société. L’ouvrage de Séverine Awenengo Dalberto est le fruit d’une symphonie de contributions humaines et
intellectuelles. L’empêcher d’atteindre le public sénégalais reviendrait à priver la société de perspectives
importantes pour comprendre un pan complexe de son histoire.


L’annulation de sa présentation publique en ce 26 octobre 2024 par les organisateurs de l’événement contraints
par des réactions hostiles de la classe politique est perçue comme un silence imposé, étouffant les voix qui ont
travaillé avec intégrité pour offrir une compréhension approfondie de l’histoire de la Casamance. Tout livre est un
espace de dialogue, une ressource pour interroger le passé et mieux appréhender les enjeux contemporains. Ne
devons-nous pas voir en cet ouvrage une opportunité d’examiner sereinement les questions d’identité et
d’autonomie, tout en consolidant l’unité nationale, loin des passions irrationnelles et des instrumentalisations
politiques ?


Ce projet est porté par une énergie humaine et généreuse de nombreux contributeurs. Parmi eux, des familles
locales ont partagé leurs archives intimes, permettant ainsi à l’auteure de faire revivre les mémoires de leur région.
Des professeurs comme Ibrahima Thioub de l’Université Cheikh Anta Diop ont guidé l’auteure, et des figures
locales comme Marius Ciss et Yaya Mané ont partagé leurs histoires, enrichissant cette recherche d’une
profondeur humaine unique.


Bannir cet ouvrage serait choisir la peur et le rejet au détriment d’une compréhension ouverte de nos réalités. Une
quête d’autonomie bien comprise peut être un moyen de célébrer les différences culturelles au sein de
l’État-nation, et non un appel au séparatisme. En Casamance, les mouvements indépendantistes ont ravivé des tensions ; c’est par une éducation critique et une analyse contextualisée que nous pourrons offrir aux populations
des perspectives d’unité et de collaboration.


Cette menace de censure n’est malheureusement pas inédite. En 2010, le livre du chercheur Jean-Claude Marut,
Le conflit de Casamance – Ce que disent les armes, avait déjà été interdit, privant le public d’une analyse
précieuse. Allons-nous encore tourner le dos à une opportunité de débat ? La répétition de ces interdictions
marque un recul pour la liberté académique, envoyant un message inquiétant : l’intolérance à la vérité historique.


Ne laissons pas ces tentations de censure saper les fondements du débat académique. Cet ouvrage n’est pas une
simple production intellectuelle, il est le fruit d’une collaboration entre professeurs, archivistes, familles locales,
éditeurs, et chercheurs en France et au Sénégal. Censurer ce livre, c’est nier l’apport de toutes ces voix qui, à
chaque étape, ont permis au savoir d’être partagé.

Pour ma part, je n’ai encore lu que la trentaine de pages accessibles sur Google Books (cliquez ici pour y accéder), et
je me suis limité ici à souligner l’ampleur du travail académique de Séverine Awenengo Dalberto à partir
notamment de son long texte de remerciements contenu dans son ouvrage. Ce livre pourrait devenir une
ressource indispensable pour celles et ceux qui cherchent à approfondir leur compréhension de la problématique
de la quête par une catégorie d’individus de l’autonomie en Casamance et de sa complexité historique. En
remerciant les figures essentielles, dont Assane Seck, Yoro Kandé, et Édouard Coly, l’auteure rend hommage
aux précieux échanges qui ont enrichi sa recherche.


C’est en acceptant de questionner nos passés que nous pourrons construire un avenir éclairé. Interdire cet
ouvrage reviendrait à tourner le dos aux valeurs de transparence et d’intégrité intellectuelle. Nous appelons à une
défense ferme de la liberté académique et au respect de chaque contribution, afin que cet ouvrage puisse occuper
sa place légitime dans les bibliothèques sénégalaises, pour le bénéfice de tous ceux qui cherchent à comprendre
et à réfléchir.


Maurice Lopez da silva dit Big Mô
Citoyen du Monde né à Ziguinchor


Voici une liste des personnes que l’auteure mentionne dans les remerciements de son livre, L’idée de la Casamance autonome –
Possibles et dettes morales de la situation coloniale au Sénégal, en reconnaissance de leur soutien, contribution, ou inspiration. (Source
Google Books)

  1. Assane Seck, Yoro Kandé, Chérif Tounkara, Paul Ignace Coly – Acteurs locaux au Sénégal ayant contribué par leurs
    témoignages.
  2. Édouard Coly et sa famille – Fourniture d’archives familiales précieuses. Mention particulière pour Édouard Coly, décédé avant
    la fin de l’ouvrage.
  3. Saliou Mbaye – Ancien directeur des Archives nationales du Sénégal, contribution significative aux archives.
  4. Charles Becker – Mentionné pour sa contribution importante aux archives.
  5. Nouha Cissé, Ousmane Diallo, Babacar Diallo – Partage de documents d’archives personnelles.
  6. Sokhna Sané et Ndiouga Benga – Universitaires à l’UCAD ayant contribué au contexte académique.
  7. Ibrahima Thioub – Professeur d’histoire à l’UCAD, mentor académique.
  8. Ibou Diallo – Rencontré à l’UCAD, amitié et échanges intellectuels.
  9. Moustapha Sow, Philippe Méguelle, Céline Labrune-Badiane, Chérif Bertrand Bassène – Historiens de la Casamance,
    membres du cercle d’historiens de l’UCAD.
  10. Camille Lefebvre – Collègue en France, soutien académique.
  11. Fabrice Melka – Soutien en édition et cartographie.
  12. Pascale Barthélémy, Richard Banégas, Laurent Fourchard, Hélène Charton, Odile Goerg, Boris Samuel, Sabine Planel,
    Vincent Bonnecase, Frederick Cooper – Collègues ayant contribué de diverses manières.
  13. Jean-François Bayart – Amitié et accueil dans sa collection éditoriale.
  14. Yann Lézénès – Soutien pour l’édition, patience face aux révisions.
  15. Sophie Royère (CERI) et Xavier Audrain – Permis la publication chez Karthala.
  16. CREPOS (Centre de Recherche sur les Politiques Sociales) et Momar-Coumba Diop – Collaboration éditoriale.
  17. Mark Deets et Ferdinand de Jong – Contributions intellectuelles suite à la publication de l’auteure dans The Journal of African
    History.
  18. Vincent Foucher – Mentor et critique de longue date.
  19. Ndeye Diop Sadji, la famille Dramé (Diéuppeul 2), Diatou et Ndèye, Moussa Diagne et Alia – Amis et soutiens au Sénégal.
  20. Maaike Cotterink et Alioune Diagne – Aide pour le séjour en Casamance.
  21. Famille Sané (Mamadou et Kéba) – Accueil à Keur Massar, Paris et Diégoune.
  22. Famille Cissé, notamment Kandé Alassane, Ousseynou, Assane, Diewo, Saly, Vieux Mbow – Accueil en Casamance.
  23. Marius Ciss – Compagnon de route, ami de longue date.
  24. Aimé Niafouna, Thierno Sy, Chico Seck, Joseph Sambou, Germain Amoua – Amis et soutiens en Casamance.
  25. Thérèse Badiane et Basile – Accueil à Ediongou.
  26. Emmanuel Diagne – Premier interlocuteur à Ediongou, tué lors d’une attaque en 2009.
  27. Yaya Mané, Yacine et leurs filles Daba et Sira – Membres précieux de la famille de cœur.
  28. Pascal Koutimagne Manga et Judith Diagne – Amis, soutien émotionnel.
  29. François (conjoint de l’auteure) et leurs enfants – Soutien familial durant l’écriture.
  30. Sa mère, son “deuxième père” et sa famille élargie, mention spéciale à Laure – Soutien familial constant.

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