S’il y’avait un secret connu de tous les Mauritaniens, c’est d’abord celui de la prévisibilité du résultat de l’élection présidentielle de juin 2024. Aucune surprise ne s’est produite. Il était déjà admis qu’aucun des candidats dit de « l’opposition au système » ne pouvait gagner dans cette compétition. Mais aussi on savait que l’opposition, d’une manière générale, allait imputer son échec à la tricherie et à la manipulation des voix des candidats de l’opposition en faveur du président sortant. Il est indéniable que dans toute élection, qu’elle soit européenne, américaine ou autre, il y aura toujours des irrégularités. Alors, la question n’est plus de savoir est ce qu’il y a eu vol des voix de la part du gouvernement, mais est ce que les irrégularités constatées ou non-avérées étaient exclusivement déterminantes pour changer le résultat de ces élections. Si la réponse est négative, quelles seraient les causes profondes de cet échec.
Il est important dans la vie politique d’une nation et dans l’intérêt des partis politiques, que les acteurs politiques puissent faire de l’introspection après tout évènement politique majeur pour mieux cerner les causes réelles de leur défaite afin de mieux se préparer pour l’avenir. Cependant, il faut être naïf pour croire que faire de l’autocritique est un exercice facile. Si, depuis plusieurs décennies, on répète les mêmes choses, on fréquente les mêmes personnes et on pense de la même manière, on finit alors par être complaisant et à l’aise dans une situation bien donnée. Une fois que la mentalité de groupe (Mob Mentality) s’installe chez des personnes d’une même activité, il devient difficile pour ces individus, voire impossible, de considérer la réalité en dehors de ce qu’on pense être la vérité. Ainsi toute idée contradictoire est considérée comme étrangère et une attaque personnelle dirigée aux membres du groupe.
Malgré ces difficultés évidentes, il faudra bien que cette opposition, si elle veut jouer un rôle important dans l’avenir de la vie politique de notre pays, corriger les énormes carences qu’elle traine avec elle. Un changement de fond en comble est forcément nécessaire. De la redéfinition de la politique qu’elle veut mener, en précisant les objectifs et en identifiant les moyens utilisés pour arriver à ses fins. Actuellement, tous les acteurs politiques qui se disent de l’opposition au système viennent de l’activisme de contestation ou de protestation contre une situation de discrimination, d’oppression et ou de soumission de certaines communautés par l’Etat. Lequel Etat représenterait une seule nationalité. Ces activistes se veulent libérateurs de leur communauté respective. Dans une situation de répression cinglante, la colère seule des populations opprimées suffit pour mobiliser et drainer l’adhésion des foules autour des « grandes-causes ». Ainsi, la rhétorique énonciateur des grands-principes de liberté, d’égalité, de justice, de vérité, d’honneur, de bravoure, d’héroïsme etc…, suffit comme programme politique. Mais dans une situation de calme relatif, les leaders des partis politiques régulièrement constitués doivent être un peu plus sophistiqués et plus subtiles. C’est là, probablement l’origine du péché de ces partis d’opposition. La transition, d’une organisation de lutte de libération et/ou d’activisme contre l’esclavage vers un militantisme de parti politique pure, semble être irréalisable. En effet, les partis d’opposition s’avèrent incapables de produire des programmes politiques nationaux dans lequel tout le peuple mauritanien se sentirait considéré.
Quand bien même les leaders de ces partis arrivaient à imaginer un excellent programme national, ils finiraient par le ranger dans les tiroirs. Par exemple, les Forces Progressistes du changement (FPC), avaient hérité des FLAM un bon programme basé sur l’autonomie. Un projet considéré par certains comme une velléité de séparation ou de sécession de la partie sud de la Mauritanie. Et pourtant, si ce programme était bien assimilé et bien vulgarisé, tout le peuple de la Mauritanie allait, aisément, se rendre compte que l’aspect séparatiste de cette option est beaucoup plus proche de la fiction que de la réalité. Le peuple allait comprendre que l’autonomie allait faciliter le développement économique et social de toutes les régions mauritaniennes et allait concourir au renforcement de la démocratie dans le pays. Hélas, en observant de près l’action des acteurs politiques de l’opposition mauritanienne, on se demande s’ils connaissent vraiment ce qui devrait être leur rôle.
Avant toute chose, un politicien doit être animé par un esprit de service. Et comment servir, si on ne fait pas l’effort d’être auprès et/ou à l’écoute du peuple. C’est de l’idiotie d’espérer d’avoir la confiance de la majorité des électeurs sans pour autant leur être utile. C’est connu de tous que les élections trouvent leur valeur dans le futur mais elles se préparent des années à l’avance. Curieusement, l’opposition aime critiquer le pouvoir et « ses valets » qui ne reviennent à la base que pendant la période des élections. Cette attitude s’appelle de la projection en politique. Reprocher à ton adversaire ce que toi-même tu pratiques. Clairement, l’opposition mauritanienne d’une manière générale se trompe de priorités. Raisonnablement, nous pouvions nous attendre de nos hommes politiques, particulièrement des députés de l’opposition de proposer et négocier avec leurs autres collègues, des projets de lois dans l’intérêt de leurs concitoyens. Une fois la loi votée, nous avions le droit de nous attendre que nos chefs de partis prennent langue avec les autorités administratives et consulaires pour l’application correcte de ces mêmes lois sur le terrain. Un candidat présidentiel, qui est de surcroit un député et/ou chef de parti, mais qui est incapable de prouver un apport positif qui aurait un impact réel sur la vie de ses concitoyens ne mérite pas le vote des électeurs.
Evidemment, la défense prévisible de l’opposition, serait que le gouvernement détient tous les pouvoirs, et qu’aucune tentative de l’opposition ne serait passée. Vous me permettrez de réfuter cette excuse facile. Si un député de la majorité en la personne de Mr. Abou Sid ’Ahmed connu sous le nom de Khalifa a pu obtenir l’enrôlement de plusieurs noirs mauritaniens de l’extérieur en travaillant avec certaines organisations mauritaniennes de la diaspora, et que le député de Nouadhibou de l’AJD/MR l’honorable Kalidou Samba Sow a pu travailler avec certaines autorités administratives pour solutionner le problème de l’eau dans sa circonscription ; alors ces deux exemples prouveraient qu’il y avait la possibilité de collaboration entre le pouvoir et l’opposition. Seulement, le changement de mentalité doit s’opérer. L’opposition doit comprendre qu’en politique, la stratégie de « tout ou rien » est suicidaire et conduit inévitablement à l’autodestruction.
MAMADOU BARRY DIT
HAMMEL BARRY
MEMBRE DES FORCES PROGRESSISTES DU CHANGEMENT (FPC)